Faire confiance aux ingénieurs?
Suite à la Conférence environnementale pour la transition écologique qui s’est tenue les 14 et 15 septembre 2012 au Palais d’Iéna (dont la feuille de route est disponible ici : http://www.developpementdurable.gouv.fr/IMG/pdf/Feuille_de_Route_pour_la_Transition_Ecologique.pdf ) cette transition s’articulerait autour des cinq points suivants :
• Préparer le débat national sur la transition énergétique,
• Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité,
• Prévenir les risques sanitaires environnementaux,
• Financement de la transition et fiscalité écologique,
• Améliorer la gouvernance environnementale.
Si l’on en croit cette feuille de route, «cette conférence traduit l’importance qu’accordent le Président de la République et le Gouvernement aux grands enjeux environnementaux, ceux du changement climatique, de la rareté des ressources et du recul de la biodiversité mondiale, avec la volonté d’engager la transition vers un nouveau modèle de développement durable. […] En les inscrivant dans les cadres internationaux et européens dans lesquels ces questions se posent pour partie, il s’agit de faire de ces défis un puissant levier pour une croissance économique écologique. Cette mutation est porteuse du développement de nouveaux gisements d’emplois, d’une amélioration du pouvoir d’achat et d’un avantage compétitif pour les entreprises.»
Que faut-il à notre pays pour parvenir à réussir cette transition et plus particulièrement à nos ministères, en pointe sur ces sujets, pour l’y aider ? À part une vraie réflexion sur les politiques dont découlent des missions pour lesquelles il faut des compétences (des formations initiales et continues), des effectifs et des moyens ?
Il faut reconnaître que «dresser une cartographie des politiques publiques» est la première des actions de l’orientation n°1 de la petite sœur de la RGPP, la «Modernisation de l’Action Publique». Il paraît même que la dite MAP change considérablement de la RGPP par sa méthode basée sur la concertation et le dialogue. Pour l’instant à part de grosses tensions entre services déconcentrés et administration centrale dans le cadre du dialogue de gestion à propos des effectifs définis selon la méthode «Budget Base Zéro» initiée par le précédent gouvernement et toujours pas remise en cause, le dialogue n’avance pas beaucoup. Ne parlons même pas de négociation avec les organisations syndicales qui ne sont jamais associées aux discussions sur la stratégie et les moyens de l’État, ni nationalement, ni localement. Il faudra bien un jour associer citoyens, agents de l’État et organisations syndicales à cette réflexion qui les concernent un peu.
Quand on a l’ambition de ce changement annoncé, il est bon de s’appuyer sur les compétences existantes dans les services qu’elles soient administratives, juridiques et techniques. En matière de compétences techniques, nos ministères sont pourvus en ingénieurs généralistes et spécialistes. Il est vrai, comme disait Clémenceau, que la guerre est une affaire bien trop sérieuse pour la confier à des militaires, aussi confier la question de la transition énergétique à des hauts fonctionnaires naviguant du privé aux cabinets ministériels n’est probablement pas des plus pertinent. Par contre s’appuyer sur des ingénieurs du public indépendants respectant le statut général des fonctionnaires, garant de l’indépendance vis-à-vis des intérêts privés et garant de l’intérêt général, est probablement plus sûr.
Cela demande des moyens, cela demande de conserver des postes, cela demande de ne pas opposer public et privé, car sans commandes publiques ou aides publiques, bien des entreprises mettraient la clef sous la porte et sans entreprises, bien des missions de service public n’auraient pas lieu d’être. De plus, sans ni l’un, ni l’autre, pas d’emploi pour ceux qui n’en ont pas. Mais ces emplois doivent être des emplois durables et solides. Seuls l’investissement, la recherche et la réorientation industrielle de la France peuvent garantir ce type d’emplois. À cette fin, le maintien et le développement de services publics compétents
sur la gestion des déchets nucléaires, le démantèlement de centrales, les nouvelles sources d’énergies, l’aménagement durable du territoire, l’isolation thermique des bâtiments et habitations, les nouveaux modes de construction, les nouveaux modes de déplacements, la conservation et la gestion des espaces et espèces, la préservation de la ressource en eau, les nouveaux procédés industriels peu ou pas polluants, (etc) permettraient non seulement le maintien d’emplois existants, mais aussi la création d’emplois nouveaux, la réindustrialisation nationale tant attendue ainsi que la construction d’un savoir faire exportable.
Nous ingénieurs du MEDDE et du METL sommes capables, si nos services en ont les moyens et si la confiance leur est enfin accordée, d’accompagner ce changement, de passer des paroles aux actes pour la transition écologique nécessaire à notre pays.
à lire aussi la déclaration de la CGT sur la conférence environnementale